Manger de l’argile n’est pas un trouble alimentaire
Zayaan Khan explore les qualités de l'argile : comme nourriture, comme corps, comme mémoire, comme témoin, comme conteur, comme machine à remonter le temps. Ses rencontres avec l'argile, notamment celle trouvée au Pic du Diable, dans sa ville natale du Cap, naissent de différentes formes de savoirs situés : scientifiques, sensoriels, matériels et émotionnels. Concluant avec une recette de Talbinah, un porridge d'orge lacté, Khan pose avec acuité la question suivante : « Que puis-je manger pour réconforter un cœur brisé ? »
Couramment appelé le pica, le trouble mental caractérisé par le besoin irrépressible d’ingérer avec persistance des substances qui ne sont pas considérées comme comestibles est souvent observé chez les jeunes enfants désireux d’explorer le monde avec leur bouche, mais aussi chez de nombreuses personnes âgées atteintes d’un besoin compulsif d’ingérer des substances non comestibles susceptibles de nuire à leur santé : cuillères ou autres objets métalliques, savon, béton, peinture s’écaillant sur les murs de plâtre – et qui peut contenir du plomb – et même de la terre – qui peut être contaminée. Ces actes peuvent nécessiter des soins urgents, voire une intervention chirurgicale. Les fringales associées au pica ont une composante sensorielle. Ce trouble du comportement alimentaire, répertorié dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), est subdivisé en une série de troubles aux noms latins, comme l’hyalophagie (le fait d’ingérer du verre, rappelant la scène du thé avec le Chapelier fou dans Alice au pays des merveilles et les merveilleux craquements émis par les convives en mangeant les tasses) ou la lithophagie (le fait d’ingérer des cailloux). L’ingestion de ces éléments non nutritifs suscite une telle surprise que l’ensemble de ces pratiques sont regroupées sous l’étiquette de « trouble », créant immédiatement un sentiment d’altérité. Imaginez le stress des jeunes parents lorsque leur enfant, en pleine quête de sensations orales, est catalogué comme souffrant d’un trouble du comportement alimentaire, alors qu’il explore le monde en étant incapable de distinguer ce qu’il peut et ce qu’il ne peut pas avaler. Même s’il est plus simple de voir les choses en noir et blanc, j’aimerais prendre ici le temps de dépasser le raisonnement dichotomique sur le fait même de manger ce qui n’est pas considéré comme de la nourriture.
Pica vient du mot latin signifiant « pie ». Pica pica – la « pie bavarde » – est cet oiseau connu dans le monde entier pour son intelligence, ses pratiques culturelles, en particulier autour du deuil, et son habitude de glaner tout ce qui brille et l’intrigue. Dans une myriade de croyances ressortant du folklore et de la mythologie, la pie représente tout à la fois et à parts égales, le Bien et le Mal. Une chance immense mais qui peut être aussi une malchance selon son interlocuteur. Il semble donc logique de regrouper la consommation de produits non alimentaires, dans toute sa diversité, sous cette seule étiquette. Néanmoins, je suis décidée à ménager un peu de place dans cette définition, afin de proclamer que manger de l’argile n’est pas un trouble du comportement alimentaire – et qu’en réalité, l’argile devrait nous apparaître comme un ingrédient recevable.
Dans le même temps, je voudrais ménager un espace pour une nouvelle façon de manger : la satisfaction profonde et l’envie intense, l’amour et l’appréciation d’aliments à la saveur minimale, particulièrement délectables s’ils sont aussi légers que l’air ou le papier. Comme les chips soufflées, mais dans leur version allégée, des chips évanescentes à la saveur minimale – juste un peu punchy. Il y a là une douceur du rien, ou peut-être une douceur dans le rien. Ma mère adore les aliments de ce genre, elle qui pourtant est réputée pour ses talents culinaires délicieusement traditionnels, avec des épices et des montagnes d’ingrédients – mais donnez-lui, disons, un sponge cake japonais bien moelleux – connu ici sous le nom de pain, même s’il est sucré – et elle fondra, moins pour la saveur elle-même que pour la manière dont l’aliment semble disparaître dans la bouche, telle une nourriture solide que vous pourriez inhaler.
Je nomme l’amour de ces aliments l’insipiphilie – oui, insipi- comme dans « insipide », mais allégé de son sens péjoratif. Rien à voir avec « qui manque d’intérêt », comme nous le disent les dictionnaires, mais plutôt avec « qui inspi-(re) », dans la gamme du « sans goût ». Avez-vous déjà eu envie de papier de riz ? Ou d’argile ?
Dans la boutique en face de notre maison, nous avions l’habitude d’acheter du papier de riz pour un demi-centime la feuille, une somme accessible aux très jeunes enfants. La façon dont on l’arrachait de son support en carton, suspendu à l’étagère de ce vieux magasin sombre et sale, puis la douceur avec laquelle il fondait dans la bouche, une fois franchi l’obstacle des dents – tout cela satisfaisait les envies texturales et sensorielles, mais n’avait en définitive aucun goût.
Il y avait aussi les soucoupes volantes – l’extérieur en papier de riz ou gaufré et la délicieuse poudre sûre à l’intérieur – le papier, avec sa belle présence texturale de néant, équilibrant sa douceur et le choc fugitif de son acidité. Les bonbons crémeux White Rabbit et autres bonbons au lait de notre enfance, le savoureux caramel dans son papier de riz sec et pourtant onctueux. Au cœur de cette salivation mêlée de douceur crémeuse, on vivait un moment de rien, de saveur minimale.
Ce désir est si spécifique, peut-être celui d’une texture davantage que d’une saveur ? Comme celui du groupe d’aliments au croisement de la douceur, de la légèreté et de la délicatesse, en termes de saveur et de goût – qui sont deux choses différentes.
Viennent ensuite les envies touchant principalement à la texture, celles où la saveur ou le goût n’entrent pas réellement en ligne de compte, celles qui sont surnommées pica et considérées comme un trouble du comportement alimentaire. Il y a vingt ans, je travaillais dans le commerce de détail, et une de mes collègues de l’étage des cosmétiques était enceinte, au troisième trimestre de sa grossesse. Elle racontait avec tendresse que son mari la conduisait au pic du Diable, à côté de la Montagne de la Table, au Cap, où l’ancienne route traversait une zone d’ardoise rouge. Là, après une courte promenade avec cette vue incroyable sur la ville et le port, elle récoltait un peu d’argile, qui se détachait par morceaux, car l’humidité de la paroi maintenait l’ardoise souple. Elle expliquait qu’elle recueillait ces morceaux, pleine d’allégresse, pour les manger sur place avec ses incisives – elle insistait sur ce point : ce n’était pas une affaire de mastication, mais bien un grignotage continu – et en enveloppait quelques-uns, pour plus tard, dans un mouchoir en papier. Tout au long de cette promenade sur les hauteurs, de nombreux affluents et cascades permettent de puiser l’eau douce de la montagne – pure et glacée – pour étancher sa soif et laver sa portion d’argile. Son envie tenait de la texture : la façon dont l’humidité s’était infiltrée, le passage de l’humide à l’imprégné, de la dureté à la douceur par l’entremise de ses dents avides. Elle salivait en se remémorant cet épisode, en claquant des lèvres. Son désir de cette argile ferro-magnésienne sautait encore aux yeux.
Cette envie existe dans le monde entier, mais elle est surtout connue en tant que coutume africaine. En Afrique du Sud, les morceaux d’argile sont vendus sur les étals des pharmacies, dans les stations de taxis, auprès des marchands ambulants de produits frais, etc. et se consomment avec une pincée de sucre ou arrosés d’eau salée – voire d’eau de mer. De façon générale, ils ne sont pas considérés comme ressortant d’un trouble du comportement alimentaire, mais bien comme une denrée plutôt banale. Ce pays est si riche en argiles de toutes sortes que la reconnaissance transcende les frontières culturelles et humano-animales. Quel est ce désir qui nous saisit, comme toutes les créatures qui mangent – les chiens consommant du béton, les quidams avides de vieux plâtre ? Une sorte de besoin minéral humide et frais ?
Les envies minérales nous entraînent vers les sommets, au sens littéral, vers les bouquetins des Alpes escaladant les parois pour lécher les dépôts de sel ou vers ma collègue gravissant la montagne en voiture. Nous ressentons une envie de cette argile minérale, à tel point que nous devrions la reconnaître comme quelque chose de comestible, comme un aliment si vous voulez.
Mème « Crave that Mineral », trouvé sur Tumblr, octobre 2014
Les propriétés médicinales de l’argile sont peut-être mieux connues que son aptitude à se transformer en denrée alimentaire ou en ingrédient culinaire. L’argile est recommandée dans les cas d’intoxication légère, réputée pour se lier au contenu ingéré, ou comme détox, en particulier contre les métaux lourds, et en général pour les affections de l’estomac ou de l’intestin, car elle peut s’agglomérer aux toxines et réguler le système digestif. Elle est également utilisée pour assécher les aphtes ou les plaies buccales. Une véritable substance magique que cette argile, qui lie vos selles molles tout en constituant le matériau principal de la cuvette de vos toilettes et de son écrin de carrelages. L’argile est le plus fin des éléments géologiques et sa formation peut prendre des millions d’années. Emportée au fil de l’eau, elle finit par se déposer au terme de son parcours ; pour trouver de l’argile, il suffit souvent de suivre le flux de l’eau. L’argile reste en suspension très longtemps. Il lui faut des heures, voire des jours, pour retomber après que l’eau s’est apaisée. Elle reste en suspension aussi longtemps que l’eau est en mouvement. C’est comme une plume de duvet dansant à l’infini, portée par une chaude brise d’été. La valse de l’argile dans l’eau est un véritable enchantement.
Extrait d'une vidéo de l'argile du Pic du Diable par Heather Thompson
Ces dernières années, je me suis concentrée sur le travail des argiles rouge terre cuite provenant du pic du Diable, la montagne où j’ai grandi, comme ma famille et celle de mon époux. Dans notre famille, dans nos communautés, les histoires de déplacements forcés ne manquent pas, et le fait de travailler directement la terre m’a aidée à libérer certains des sons étouffés que j’avais perçus, des appels lointains s’adressant à moi à travers de multiples voiles. Il existe une écoute douce et profonde, si claire et pourtant silencieuse, si perceptible, mais seulement à l’intérieur de mon esprit. Percevant le silence dans mes oreilles internes, j’essaie de trouver ce que je cherche en parcourant ce domaine si souvent arpenté. J’imagine pouvoir retracer les mouvements des bulldozers, je les vois dans leur chaos, couvrant les pleurs et les cris des déplacés de force. Je vois tout cela dans le calme du jour, en marchant vers l’endroit où se trouvait la maison de mes grands-parents, qu’ils ont refusé de quitter, avant d’être parmi les derniers à le faire.
Mon grand-père a toujours fait montre d’une détermination sans faille, et j’imagine à quel point cette période a dû influencer le reste de sa vie, jusqu’au moment où j’ai fini par le rencontrer, deux générations plus tard. Quelque chose s’est brisé en lui ce jour-là, comme sans doute en tous ceux contraints de quitter ce quartier pour laisser la place à des Blancs qui n’y ont finalement jamais emménagé. La loi de 1950 sur les zones réservées (Group Areas Act) a permis au gouvernement pro-apartheid de modifier le paysage social de l’Afrique du Sud, en concevant l’architecture de toute la ville du Cap – et du reste du pays – en fonction de la ségrégation raciale, contraignant des communautés entières à vider les lieux afin de créer des espaces « réservés aux Blancs ». Le District Six était l’une de ces zones, bien connue pour sa situation au pied de la Montagne de la Table, notre Merveille du Monde. À en croire tous les anciens riverains de ce quartier, sa force était le bien-être communautaire, l’archétype de ce que l’apartheid essayait de détruire : le multiculturel, le multiracial, le mélange de religions et d’appellations ; les gens s’entendaient à merveille, prenant soin les uns des autres, les enfants ne souffraient pas de la faim, même au sein des familles étrangères au quartier. Il y avait toujours un lieu où poser sa tête, comme nous le disait mon oncle. Tout cela a changé lorsque les gens ont été déplacés. Moins de portes se sont ouvertes pour les voyageurs exténués, les casseroles n’ont plus été posées sur le poêle au lever du jour pour nourrir ceux qui pouvaient en avoir besoin. L’apartheid, dans le cadre du projet colonial, visait à détruire les modes de connaissance autochtones et à mettre à mal le sens de la communauté, indissociable de la solidarité naturelle rapprochant ceux qui vivent sous une oppression impitoyable.
Section du District Six en friche au pied du Pic du Diable, avec la Montagne de la Table, plate comme une table, en arrière-plan. On aperçoit les fondations de maisons et d'autres bâtiments au premier plan. Photo : Zayaan Khan
Beaucoup de choses ont évolué depuis, mais il suffit de gratter la surface pour se rendre compte qu’en réalité, les changements sont peu nombreux. Cette terre est toujours en jachère, elle n’est jamais devenue une banlieue « réservée aux Blancs ». J’ai cheminé ici bien des fois, m’interrogeant sur la poussière que ma mère a soulevée avec ses amis et, peut-être quelques centaines d’années plus tôt, sur celle que les hyènes, les lions ou les babouins ont fait s’envoler en se bagarrant. Il y a des millions d’années, des animaux préhistoriques ont marché à l’endroit exact où ma mère s’est tenue plus tard, sans se soucier de l’état de la terre en ce moment précis. Cette terre, nous le savons, est restée à peu près la même depuis au moins un million et demi d’années, lorsque les montagnes étaient encore une île et que les océans entamaient leur retrait.
Il y a nombre de choses à constater dans ce lieu de rien, avec ses logements de fortune et ses herbes folles, ses rochers qui pointent et les ondulations de la terre cascadant jusqu’au pied de la montagne. Il est des grands et des petits constats. Je repère les nouveaux arrangements des pierres que les gens enlèvent ou déplacent sur la tombe de leur animal de compagnie tant aimé. Je récolte du pollen de fenouil sous le soleil et de l’argile quand s’ouvre à peine la saison des pluies. J’écoute les histoires nouvelles… Le vent s’est-il souvenu de quelque chose à mon intention, ou les fourmilions ont-ils capté un nouveau récit en leur piège de sable ? Je trace les lignes – cette argile me guide, d’une ligne du temps profond à toutes les formes que cette argile souhaite être – et je suis ces lignes, je traque les nœuds et les cassures, et je laisse tout cela pénétrer en moi et se manifester dans la pratique de la création – quelle qu’elle soit. Souvent, j’ai l’impression qu’elle ne dépend pas de moi, alors je sculpte, je fabrique de la craie, j’enregistre des sons et j’élabore des palettes de maquillage en terre cuite – qu’est-ce tout cela, sinon des méthodes de narration ?
Nids de fourmilions où les larves attendent dans la tanière centrale du trou creusé et perçoivent le passage de leurs proies à travers les particules de sable et d'argile qui tombent. Photo : Zayaan Khan
Cette argile évoque la satisfaction, une perfection de la texture définitivement absente dans nombre d’autres matières comestibles. Elle s’installe en l’espace de l’insipiphilie, un goût de rien débordant de texture – et tellement astringent qu’il s’empare de toute votre eau. Un peu visqueuse, mais lisse, un peu comme une brosse à dents, en quelque sorte. La texture n’est pas aussi plastique qu’on le souhaiterait pour la sculpter, mais ce n’est pas impossible. Cette argile est si vivante et crue, parfois extraite des profondeurs du sous-sol, parfois récoltée en surface. Les mondes microbiens invisibles la font fermenter de façon débridée. J’ai stocké ces sacs d’argile traitée avec juste un peu trop d’eau, afin que la fermentation commence et se fraie un chemin, en créant des bulles, au cœur des pains d’argile empilés. Ils poussent véritablement, davantage que n’importe quelle argile traitée que j’ai pu connaître : une efflorescence d’algues, de champignons, et même une bienheureuse petite limace y ont élu domicile. La fermentation pétillante que je perçois en ouvrant un nouveau sac me fait penser à la manière de vivre des anciens microbes invisibles encore présents dans cette argile, ou du moins dans l’environnement désormais aérobie dans lequel ils sont plongés, avant d’être ingérés par des bactéries aérobies. Tout compte fait, nous avons tous envie de ce minéral.
Travailler avec cette argile est une machine à remonter le temps de façon instantanée. Constituée au fil de millions d’années, incapable d’être synthétisée, cette argile doit connaître bien des choses qui dépassent nos humbles hypothèses évolutionnistes. Je me demande ce dont le sol se souvient et quelles histoires ces corps d’argile pourraient raconter, et je me suis attachée à faire savoir à la terre que nous aussi, nous nous souvenons. Nous vivons à une époque de polycrise – un temps où la succession des crises s’intègre dans notre expérience vécue – et, comme le soutient l’épigénétique (l’étude des caractères héréditaires), ces crises et ces traumatismes sont transmis à des générations qui ne les ont pas vécus. Je vois les traumatismes persister dans nos communautés, recouverts par d’autres traumatismes liés à l’extractivisme et au travail modernes, mis en œuvre dans l’unique but de survivre en ce monde. Je vois à quel point je me sens perdue et combien marcher sur ces terres m’apporte un sentiment d’appartenance, des réponses à des questions que je ne sais même pas encore comment poser. Notre héritage colonial a entraîné des cycles de génocides, générés tout à la fois par les maladies européennes et les mercenaires qui, à la fin du 18e siècle et au début du siècle suivant, ont été envoyés pour chasser et tuer par décret les grands animaux, y compris notre peuple. Ils ont découvert que, pour tuer notre peuple, il existait des moyens moins coûteux que les munitions ; ils ont utilisé des éléments de la terre, comme les rochers, présents depuis des millénaires.
J’apprends ces moments d’histoire et j’ai besoin de faire mon deuil. J’ai besoin de retourner à la mer ou à certains endroits sur terre et de demander pardon au nom de mon humanité, pour souligner que nous n’avons pas oublié ces récits et que nous ne trouverons pas le repos aussi longtemps que nous n’aurons pas réparé ces transgressions, et peu importe le nombre de générations que cela prendra. Nous sommes à des centaines d’années de cette violence, mais nous continuons à dévoiler des transgressions. Nous les ressentons, nous les décelons toujours. Dans notre partie du monde, nous avons connu trois cycles de pouvoir colonial, qui ont abouti à un apartheid d’une cruauté indicible. Cette violence apparaît pourtant maîtrisée par rapport à l’apartheid et au génocide dont nous sommes les témoins aujourd’hui en Palestine, décrétés par Israël et largement financés par les États-Unis, qui maintiennent les terres, les personnes, les plantes et les animaux de Palestine dans un état permanent de séparation. Avec la transition vers la démocratie, l’Afrique du Sud n’a pas tardé à accepter une économie de marché comme système commercial mondial, même si de nombreuses personnes ont perdu leur gagne-pain lorsque des investissements étrangers – avec bénéfices étrangers également – ont envahi l’Afrique du Sud, ne profitant qu’à ceux qui avaient l’argent ou les moyens de faire tourner le système. Nous nous retrouvons donc toujours dirigés par des puissances extérieures extractives, nous accrochant aux fils de notre propre survie tandis que le poids des crises mondiales maintient les luttes en vie.
Gros plan sur l'argile creusée, avec des ocres riches en fer dans son paysage coloré. Photo : Zayaan Khan
D’une manière ou d’une autre, et malgré tout cela, mon cœur bat fort. Les membres de la famille de mon père souffrent d’insuffisance cardiaque ; ils sont morts de crises cardiaques ou de cœurs brisés. J’ai appris que nos cœurs héritent de nos histoires spirituelles, qu’ils entendent d’anciens récits, accueillant ainsi la richesse émotionnelle accumulée au fil des générations. Faire le deuil de cette terre est aussi une forme de thérapie familiale, une reconnaissance et un traitement de la douleur. En travaillant avec cette argile, j’ai beaucoup appris sur mon cœur. Il est devenu une métaphore musculaire du traitement des traumatismes, du devenir, des transitions, ou des relations qui trouvent leur voie à travers le monde.
Cette argile passe par des processus où elle est sauvage et vivante, pleine de pierres et d’œufs, de carcasses d’insectes et de micro-univers bactériens. Elle se trouve dans mon jardin que visitent tant d’animaux différents, faisant leurs besoins dans l’argile, mangeant l’argile, emportant l’argile pour construire leurs propres demeures. Alors, je traite l’argile, je la raffine, en séparant les détritus de sable ou de pierre dus à l’expulsion forcée des microparticules d’argile pure et de minéraux métalliques. L’argile repose ensuite pendant des mois, tandis que je m’occupe de ma famille au quotidien. L’argile traitée est calée pour éliminer les poches d’air, qui affaibliraient l’intégrité structurelle une fois la sculpture créée, et elle repose encore un peu, le temps de l’amalgamation. Idéalement, je la laisserais poser pendant des années, mais quelques mois doivent suffire. Parfois, après un délai d’un an ou deux, l’argile est particulièrement lisse et souple.
Cette argile est si précieuse pour moi : ma pratique m’a fait découvrir qu’elle se prête mieux à certaines formes qu’à d’autres, en la recyclant encore et encore. Pratiquement rien de ce que je crée ne passe par la chaleur intense des fours, où l’argile se transforme en céramique une fois toute trace d’eau éliminée – je dirais pas plus de 30 %. Je préfère façonner des formes nouvelles et, après séchage, je brise ces corps d’argile dans un seau d’eau, et ils s’imprègnent de cette eau par toutes leurs fissures et leurs pores, rencontrant chaque molécule pour rester liés. L’argile, contrairement à la céramique, est brute et sauvage, douce et poudreuse quand elle est sèche, et dure comme pierre au terme d’une cuisson appropriée. Dans l’argile, on retrouve quelque chose de la relation entre l’eau et la terre, où tous les sons – les invisibles comme les visibles – pénètrent le matériau. Il est des pistes et des indices, venus d’un temps bien antérieur à la récolte, qui envahissent mes oreilles pendant que je travaille. Dans le creusement et l’excavation qui mettent cette argile à nu à travers les sédiments de grès, s’agit-il de souvenirs du Temps profond que j’entends ?
Je suis convaincue par l’argile, convaincue par sa satisfaction. J’élabore de nouvelles recettes avec elle, pourquoi pas, tentée de l’impliquer dans des recettes pour le cœur. Que puis-je manger pour fortifier un cœur brisé ? Confrontée à des questions qui dépassent notre connaissance immédiate, je me tourne vers notre patrimoine pour voir d’où peuvent émaner les réponses. Grandir au sein de l’Islam m’a énormément appris sur l’ampleur de l’acceptation qui peut découler du chagrin. À quel point élargit-il votre capacité d’aimer ? À quel point est-il nécessaire pour guérir ? Il est aussi particulièrement apaisant de savoir que, parmi les recettes intégrées dans la sunnah1, il en est une pour traiter le chagrin et la tristesse profonde. Elle associe de la farine d’orge, du lait, un soupçon de dattes ou de miel, et l’acte tout simple de faire de la bouillie de céréales2. Des recettes qui remontent à 1400 ans au moins, mais toujours humbles dans leur simplicité. Cette médecine prophétique contribue à l’établissement d’une feuille de route pour adopter des recettes comme autant de moyens d’affronter les problèmes du monde, comme méthodes digestes de traitement du chagrin.
Depuis le temps que j’apprends de cette argile, j’ai découvert l’amour comme une force ancienne, l’amour romantique et l’amour familial, et la façon dont les âmes se rencontrent dans un lieu sacré avant d’atterrir en nos corps terrestres faillibles. J’ai également été enceinte pendant cette période d’argile, et je ne peux m’empêcher d’accepter les métaphores présentant nos corps comme étant faits d’argile, maintenant que je comprends ce que l’argile est réellement : rien que les déchets minéraux de toute une vie en un lieu et en un moment particuliers, contenus dans le temps géologique profond, le temps le plus lent et le plus fiable, et traversés par lui. Un peu comme les âmes et un peu comme l’amour, je perçois la façon dont mon cœur est alors devenu argile, lui aussi, surtout quand je recycle l’œuvre sculpturale que j’ai créée, en la plongeant dans l’eau pour la réhydrater, et qu’en posant mon oreille sur l’eau, j’entends le battement progressif de l’argile à mesure que l’eau pénètre son corps. C’est comme le processus d’un doux chagrin d’amour où, malgré le soutien de toute cette eau parfaite, vous – ou l’argile – tombez doucement, vous tombez et vous vous disloquez, en pétillant et en sifflant, en bouillonnant et en vous dissolvant en une poudre fine, ne faisant plus qu’un avec l’eau, pour vous déposer finalement au fond du seau, dans l’attente du séchage, du calage et du sculptage en formes nouvelles, plus puissantes. Ce processus ressemble beaucoup aux douleurs dont nous héritons et aux ruptures qui accablent nos corps faillibles, dans nos vies faillibles, où, lorsque le cœur se brise mais n’est pas complètement brisé, lorsqu’il est remis à neuf, il apporte davantage de potentiel pour la force d’âme.
Extrait d'une vidéo de l'argile du Pic du Diable par Heather Thompson
Dans ce processus de renouveau, je découvre en moi le besoin de revenir à l’ignorance totale, d’être guidée au lieu de diriger, de m’appuyer sur d’autres recettes au lieu de créer les miennes. Et pourtant, cette argile demande toujours à être produite, à être accueillie avec satisfaction, ce qui traduit une sorte de réciprocité dans la relation. Être fait d’argile et manger de l’argile, par opposition à manger dans de l’argile : je me demande si cette métaphore ne constitue pas un cercle complet. L’argile n’est plus seulement le récipient des aliments – ou l’habillage des murs, du sol ou du toit, entre autres utilités domestiques –, elle se rappelle à nous comme le récipient de nos corps, alors que nous mangeons aussi de l’argile. Un singulier cannibalisme, peut-être, mais en réalité un désir de connexion, de reconquête de notre place dans un monde régi par la nécropolitique, sous couvert d’objectifs de durabilité ou d’autonomisation économique.
Une datte coupée s'effondre dans la chaleur bienveillante et le réconfort de la talbinah, une recette pour les cœurs engloutis. Photo : Zayaan Khan
En cet instant, j’offre une recette comme une tentative de reconnexion, comme une offrande pour un certain bien-être. Notre recette de talbina, la bouillie d’orge laiteuse et sucrée, généreusement saupoudrée de l’argile de cette terre.
Ingrédients
Une tasse de lait
Deux à trois cuillères à soupe de farine d’orge. Nous préférons la faire griller un peu au préalable, de préférence fraîchement moulue.
Une offrande d’argile préhistorique, un épiçage de souvenirs, de récits et de secrets. Juste assez pour donner de l’astringence, mais pas assez pour nuire à l’onctuosité.
Une cuillère à café de beurre clarifié
Une cuillère à café de miel
Une datte dénoyautée
Préparation
Faites chauffer le lait à feu doux et, dès qu’il arrive à ébullition, ajoutez la farine d’orge, en la tamisant pour éliminer les impuretés. Remuez bien après chaque cuillerée, afin d’obtenir une texture homogène.
Servez avec une cuillère à café de beurre clarifié et une cuillère à café de miel. Garnissez d’une datte lorsque la bouillie est encore brûlante, laissez la datte ramollir et ses pores s’ouvrir.
Puisse la talbina vous réchauffer le cœur et enrichir vos futurs souvenirs.
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Gathering into the Maelstrom (exhibition)
‘Gathering into the Maelstrom’ is curated by Institute of Radical Imagination and Sale Docks within the framework of Museum of the Commons.
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–M HKA
The Lives of Animals
‘The Lives of Animals’ is a group exhibition at M HKA that looks at the subject of animals from the perspective of the visual arts.
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–SALT
Warm Earth Sounds for Plants and the People Who Love Them
‘Warm Earth Sounds for Plants and the People Who Love Them’ is a series of sound installations by Özcan Ertek, Fulya Uçanok, Ömer Sarıgedik, Zeynep Ayşe Hatipoğlu, and Passepartout Duo, presented at Salt in Istanbul.
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–SALT
Sound of Green
‘Warm Earth Sounds for Plants and the People Who Love Them’ at Salt in Istanbul begins on 5 June, World Environment Day, with Özcan Ertek’s installation ‘Sound of Green’.
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Museo Reina Sofia
Palestine Is Everywhere
‘Palestine Is Everywhere’ is an encounter and screening at Museo Reina Sofía organised together with Cinema as Assembly as part of Museum of the Commons. The conference starts at 18:30 pm (CET) and will also be streamed on the online platform linked below.
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–Museo Reina Sofia
Open Call: Research Residencies
The Centro de Estudios of Museo Reina Sofía releases its open call for research residencies as part of the climate thread within the Museum of the Commons programme.
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The Open Kitchen. Food networks in an emergency situation
with Marina Monsonís, the Cabanyal cooking, Resistencia Migrante Disidente and Assemblea Catalana per la Transició Ecosocial
The MACBA Kitchen is a working group situated against the backdrop of ecosocial crisis. Participants in the group aim to highlight the importance of intuitively imagining an ecofeminist kitchen, and take a particular interest in the wisdom of individuals, projects and experiences that work with dislocated knowledge in relation to food sovereignty. -
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Kyiv Biennial 2025
L’Internationale Confederation is proud to co-organise this years’ edition of the Kyiv Biennial.
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–MACBA
Project a Black Planet: The Art and Culture of Panafrica
Curated by MACBA director Elvira Dyangani Ose, along with Antawan Byrd, Adom Getachew and Matthew S. Witkovsky, Project a Black Planet: The Art and Culture of Panafrica is the first major international exhibition to examine the cultural manifestations of Pan-Africanism from the 1920s to the present.
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–M HKA
The Geopolitics of Infrastructure
The exhibition The Geopolitics of Infrastructure presents the work of a generation of artists bringing contemporary perspectives on the particular topicality of infrastructure in a transnational, geopolitical context.
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–MACBAMuseo Reina Sofia
School of Common Knowledge 2025
The second iteration of the School of Common Knowledge will bring together international participants, faculty from the confederation and situated organizations in Barcelona and Madrid.
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–SALT
The Lives of Animals, Salt Beyoğlu
‘The Lives of Animals’ is a group exhibition at Salt that looks at the subject of animals from the perspective of the visual arts.
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–SALT
Plant(ing) Entanglements
The series of sound installations Warm Earth Sounds for Plants and the People Who Love Them ends with Fulya Uçanok’s sound installation Plant(ing) Entanglements.
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–Museo Reina Sofia
Sustainable Art Production. Research Residencies
The projects selected in the first call of the Sustainable Art Practice research residencies are A hores d'ara. Experiences and memory of the defense of the Huerta valenciana through its archive by the group of researchers Anaïs Florin, Natalia Castellano and Alba Herrero; and Fundamental Errors by the filmmaker and architect Mauricio Freyre.
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Collective Study in Times of Emergency, Amsterdam
Within the context of ‘Every Act of Struggle’, the research project and exhibition at de appel in Amsterdam, L’Internationale Online has been invited to propose a programme of collective study.
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Museo Reina Sofia
Poetry readings: Culture for Peace – Art and Poetry in Solidarity with Palestine
Casa de Campo, Madrid
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–IMMANCAD
Summer School: Landscape (post) Conflict
The Irish Museum of Modern Art and the National College of Art and Design, as part of L’internationale Museum of the Commons, is hosting a Summer School in Dublin between 7-11 July 2025. This week-long programme of lectures, discussions, workshops and excursions will focus on the theme of Landscape (post) Conflict and will feature a number of national and international artists, theorists and educators including Jill Jarvis, Amanda Dunsmore, Yazan Kahlili, Zdenka Badovinac, Marielle MacLeman, Léann Herlihy, Slinko, Clodagh Emoe, Odessa Warren and Clare Bell.
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HDK-Valand
Climate Forum IV
The Climate Forum is a series of online meetings hosted by HDK-Valand within L’Internationale’s Museum of the Commons programme. The series builds upon earlier research resulting in the (2022) book Climate: Our Right to Breathe and reaches toward emerging change practices.
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–Museo Reina Sofia
Study Group: Aesthetics of Peace and Desertion Tactics
In a present marked by rearmament, war, genocide, and the collapse of the social contract, this study group aims to equip itself with tools to, on one hand, map genealogies and aesthetics of peace – within and beyond the Spanish context – and, on the other, analyze strategies of pacification that have served to neutralize the critical power of peace struggles.
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–MSU Zagreb
October School: Moving Beyond Collapse: Reimagining Institutions
The October School at ISSA will offer space and time for a joint exploration and re-imagination of institutions combining both theoretical and practical work through actually building a school on Vis. It will take place on the island of Vis, off of the Croatian coast, organized under the L’Internationale project Museum of the Commons by the Museum of Contemporary Art in Zagreb and the Island School of Social Autonomy (ISSA). It will offer a rich program consisting of readings, lectures, collective work and workshops, with Adania Shibli, Kristin Ross, Robert Perišić, Saša Savanović, Srećko Horvat, Marko Pogačar, Zdenka Badovinac, Bojana Piškur, Theo Prodromidis, Ovidiu Ţichindeleanu, Progressive International, Naan-Aligned cooking, and others.
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–MSN Warsaw
Near East, Far West. Kyiv Biennial 2025
The main exhibition of the 6th Kyiv Biennial 2025, titled Near East, Far West, is organized by a consortium of curators from L’Internationale. It features seven new artists’ commissions, alongside works from the collections of member institutions of L’Internationale and a number of other loans.
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MACBA
PEI Obert: The Brighter Nations in Solidarity: Even in the Midst of a Genocide, a New World Is Being Born
PEI Obert presents a lecture by Vijay Prashad. The Colonial West is in decay, losing its economic grip on the world and its control over our minds. The birth of a new world is neither clear nor easy. This talk envisions that horizon, forged through the solidarity of past and present anticolonial struggles, and heralds its inevitable arrival.
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–M HKA
Homelands and Hinterlands. Kyiv Biennial 2025
Following the trans-national format of the 2023 edition, the Kyiv Biennial 2025 will again take place in multiple locations across Europe. Museum of Contemporary Art Antwerp (M HKA) presents a stand-alone exhibition that acts also as an extension of the main biennial exhibition held at the newly-opened Museum of Modern Art in Warsaw (MSN).
In reckoning with the injustices and atrocities committed by the imperialisms of today, Kyiv Biennial 2025 reflects with historical consciousness on failed solidarities and internationalisms. It does this across an axis that the curators describe as Middle-East-Europe, a term encompassing Central Eastern Europe, the former-Soviet East and the Middle East.
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HDK-Valand
MA Forum in collaboration with LIO: Nour Shantout
In this artist talk, Nour Shantout will present Searching for the New Dress, an ongoing artistic research project that looks at Palestinian embroidery in Shatila, a Palestinian refugee camp in Lebanon. Welcome!
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MACBA
PEI Obert: Bodies of Evidence. A lecture by Ido Nahari and Adam Broomberg
In the second day of Open PEI, writer and researcher Ido Nahari and artist, activist and educator Adam Broomberg bring us Bodies of Evidence, a lecture that analyses the circulation and functioning of violent images of past and present genocides. The debate revolves around the new fundamentalist grammar created for this documentation.
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Everything for Everybody. Kyiv Biennial 2025
As one of five exhibitions comprising the 6th Kyiv Biennial 2025, ‘Everything for Everybody’ takes place in the Ukraine, at the Dnipro Center for Contemporary Culture.
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In a Grandiose Sundance, in a Cosmic Clatter of Torture. Kyiv Biennial 2025
As one of five exhibitions comprising the 6th Kyiv Biennial 2025, ‘In a Grandiose Sundance, in a Cosmic Clatter of Torture’ takes place at the Dovzhenko Centre in Kyiv.
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MACBA
School of Common Knowledge: Fred Moten
Fred Moten gives the lecture Some Prœposicions (On, To, For, Against, Towards, Around, Above, Below, Before, Beyond): the Work of Art. As part of the Project a Black Planet exhibition, MACBA presents this lecture on artworks and art institutions in relation to the challenge of blackness in the present day.
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–MACBA
Visions of Panafrica. Film programme
Visions of Panafrica is a film series that builds on the themes explored in the exhibition Project a Black Planet: The Art and Culture of Panafrica, bringing them to life through the medium of film. A cinema without a geographical centre that reaffirms the cultural and political relevance of Pan-Africanism.
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MACBA
Farah Saleh. Balfour Reparations (2025–2045)
As part of the Project a Black Planet exhibition, MACBA is co-organising Balfour Reparations (2025–2045), a piece by Palestinian choreographer Farah Saleh included in Hacer Historia(s) VI (Making History(ies) VI), in collaboration with La Poderosa. This performance draws on archives, memories and future imaginaries in order to rethink the British colonial legacy in Palestine, raising questions about reparation, justice and historical responsibility.
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MACBA
Project a Black Planet: The Art and Culture of Panafrica OPENING EVENT
A conversation between Antawan I. Byrd, Adom Getachew, Matthew S. Witkovsky and Elvira Dyangani Ose. To mark the opening of Project a Black Planet: The Art and Culture of Panafrica, the curatorial team will delve into the exhibition’s main themes with the aim of exploring some of its most relevant aspects and sharing their research processes with the public.
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MACBA
Palestine Cinema Days 2025: Al-makhdu’un (1972)
Since 2023, MACBA has been part of an international initiative in solidarity with the Palestine Cinema Days film festival, which cannot be held in Ramallah due to the ongoing genocide in Palestinian territory. During the first days of November, organizations from around the world have agreed to coordinate free screenings of a selection of films from the festival. MACBA will be screening the film Al-makhdu’un (The Dupes) from 1972.
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Museo Reina Sofia
Cinema Commons #1: On the Art of Occupying Spaces and Curating Film Programmes
On the Art of Occupying Spaces and Curating Film Programmes is a Museo Reina Sofía film programme overseen by Miriam Martín and Ana Useros, and the first within the project The Cinema and Sound Commons. The activity includes a lecture and two films screened twice in two different sessions: John Ford’s Fort Apache (1948) and John Gianvito’s The Mad Songs of Fernanda Hussein (2001).
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Vertical Horizon. Kyiv Biennial 2025
As one of five exhibitions comprising the 6th Kyiv Biennial 2025, ‘Vertical Horizon’ takes place at the Lentos Kunstmuseum in Linz, at the initiative of tranzit.at.
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